Tai O, c’est un peu le bout du monde. Le trajet pour s’y rendre est un dépaysement à lui seul : ferry depuis Hong Kong Island pendant une petite heure, qui vous débarque à Mui Wo, ville nouvelle sans beaucoup de charme jouissant cependant d’une magnifique plage appelée Silvermine Bay en raison des mines d’argent dont elle était jadis entourée.
L’arrivée à Lantau -la plus grande île de Hong Kong, sur laquelle se trouve Tai O- n’est que le commencement du périple ; ici, on doit prendre un bus qui serpente habilement le long de petites routes montagneuses, n’ayant que faire des pentes abruptes et des virages en épingle à cheveux. Pendant une heure, on croise des vaches à longues cornes qui broutent ou se reposent paisiblement sur le bas-côté, à peine perturbées par le passage éclair des rares véhicules qui les frôlent ; on rencontre en rase campagne un groupe de petits scouts chinois, armés de sacs à dos à peine moins hauts qu’eux et de tiges de bambou géantes ; on dépose des personnes très âgées à des arrêts de bus de fortune toujours plus perdus dans la montagne…
Et enfin, nous y voilà, accueillis par un panneau « Welcome to Tai O », très vite suivi d’une pancarte indiquant aux visiteurs que la « destruction des poissons est strictement interdite ». La pêche est en effet l’activité économique dominante à Tai O, qui ne vit que du commerce de poisson et de sel avec la Chine. Le village est constitué de maisons de bois ou de tôle sur pilotis, desquelles pendent des tamis géants servant à faire sécher poissons, crevettes, ou autres fruits de mer et crustacés.
Lorsqu’on remonte vers les terres, les petites maisons de pêcheurs se succèdent, toutes servant à la fois de vitrine pour le poisson séché vendu sur le trottoir, et d’habitation pour les pêcheurs qui en occupent l’unique pièce en regardant la télévision, à peine occultés par leurs rideaux de crustacés. La traversée du village est rythmée par la présence d’un temple par-ci, d’un marché –de poisson séché bien entendu- par-là, par les sonnettes des vélos, unique moyen de transport autorisé dans le village, et par les aboiements des chiens qui errent gaiement dans les rues, à la recherche des nombreux chats cachés sous les étals de poisson.
Je croise un habitant qui me parle en chinois, essayant d’intégrer quelques mots d’anglais à sa proposition, à laquelle je n’entends rien ; un visiteur chinois m’explique qu’il a un bateau, et qu’il peut nous emmener voguer parmi les maisons sur pilotis, pour voir le village depuis la mer. J’embarque donc avec cinq autres personnes sur la barque à moteur qui nous promène en contrebas de ces cabanes en bois qui semblent perchées sur des échasses dont on aurait planté les pointes dans l’eau.
Notre « commandant » nous propose d’aller voir les dauphins (mon voisin me traduit les paroles de notre guide, et ajoute qu’il n’est pas dupe, qu’il sait bien qu’il n’y a pas de dauphin si près des côtes).
Le bateau s’éloigne du village, la vue des plages de sable blanc en contrebas des falaises à la végétation bouillonnante est à couper le souffle, le moteur de la barque s’arrête, nous tanguons, et attendons que les hypothétiques dauphins se montrent. Je ne peux m’empêcher de pousser un cri –de peur et de fascination- lorsque je vois une bosse blanche se montrer à la surface de l’eau ; et soudain, nous sommes entourés de dauphins à bosse du Pacifique, dansant gaiement et gracieusement autour du bateau. Après quelques minutes, le moteur se remet en marche, les dauphins disparaissent, et nous regagnons la rive, ivres de la surprise et du dépaysement générés par cette petite ballade improvisée, au bout du monde.
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