En 1911, lorsque Vassily Kandinsky et Franz Marc fondèrent le groupe Der Blaue Reiter (Le Cavalier Bleu), ils prédisaient un tournant décisif dans la production artistique. L’exposition « The Great Upheaval : Modern Art from the Guggenheim Collection, 1910-1918 » entend illustrer le propos des deux artistes et le démontre littéralement dès le premier tableau exposé, La Montagne Bleue, de Kandinsky, mettant en scène des cavaliers galopant vers la modernité.
L’avant-garde artistique de l’époque s’est intéressée et adaptée à l’évolution rapide des métropoles et de la structure urbaine dans les années d’avant-guerre. Le cubisme a affirmé son succès en France et initié de nouvelles perspectives en Italie et en Russie ; l’expressionnisme a fait son chemin en Allemagne et en Autriche. L’exposition, à travers une centaine d’œuvres issues des collections du musée à New York et à Venise, entend illustrer le dynamisme esthétique de cette période marquée par la progression des artistes vers l’abstraction à mesure que l’on s’approche du grand bouleversement causé par la grande guerre.
Marc Chagall, La Maison brûle, 1913
Les commissaires de l’exposition ont disposé de la totalité de la spirale ascendante du musée conçu par Frank Lloyd Wright en 1959, et l’ont occupée de manière chronologique. Cette approche lisible facilite le travail du spectateur qui se laisse aller paisiblement au gré de l’avancement des années ; elle entame cependant à plusieurs reprises la cohérence visuelle de l’exposition, lorsque des œuvres que l’on aimerait voir juxtaposées se retrouvent éloignées en raison des quelques années qui les séparent ; c’est le cas notamment de deux tableaux de Robert Delaunay ayant pour sujet la Tour Eiffel, peints tous deux en 1911, mais dont le premier a été faussement daté par l’artiste de 1910 de façon à renforcer son statut de précurseur.
Robert Delaunay, La Tour Eiffel, 1911
L’exposition ne cache pas sa double mission : présenter cette période artistique particulièrement innovante et fertile, mais également mettre en valeur les chefs-d’œuvre d’art moderne composant la collection du Guggenheim. C’est ainsi que Kandinsky, Marc ou Mondrian semblent rythmer l’exposition de leur présence presque continue, tandis que l’on a le sentiment de rencontrer presque accidentellement un nu de Modigliani dialoguant avec un portrait de femme de Matisse (la superbe Italienne) ou, plus loin, le chariot volant de La Maison brûle de Chagall et le surprenant Train de la Croix Rouge traversant un village de Gino Severini. L’exposition s’achève sur les années de guerre, par l’œuvre d’Ernst Ludwig, Les Artilleurs, pessimiste prophétie sur l’avenir proche d’une Europe bouleversée.
Gino Severini, Train de la Croix Rouge traversant un village, 1915
The Great Upheaval, Modern Art from the Guggenheim Collection, 1910-1918, au Musée Guggenheim de New York jusqu'au 1er juin.
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